jeudi 31 décembre 2015

Oshoogatsu お正月

La préparation du nouvel an prend bien quelques jours au pays du soleil levant.

On fait des courses de folie lors desquelles on remplit plusieurs fois les caddies.
On fait un grand ménage, en rangeant ce qui traîne et en jetant les objets devenus obsolètes.
On prépare les fameux mochi, malheureusement cette fois à la machine.
On fait plein de petits plats avec tout un tas de bonnes choses, notamment des légumes.
On va nettoyer et fleurir les tombes sur lesquelles on prie pour remercier et demander.

Dans quelques minutes, nous allons nous diriger vers le temple pour aller envoyer nos voeux pour cette nouvelles année, au son du gong qui va retentir 108 fois !!

Le nouvel an.

Oisca オイスカ

Oisca, c'est un peu la belle surprise de cette fin d'année. Comme je vous le racontait précédemment, j'ai découvert cette organisation internationale à but non lucratif grâce à la fête qu'ils ont organisé pour la préparation de mochi.
Une ferme pas comme les autres, dont le but principal est de promouvoir une éthique environnementale et écologique en éduquant les plus jeunes et en faisant des missions à travers le monde.

Mais plus que de beaux discours moralisateurs, cette organisation est avant tout composée de personnes chaleureuses et accueillantes. Autour de moi, contrairement à ce qui est de coutume au Japon, de nombreux étrangers, venant de Papouasie, d'Indonésie et de Malaisie pour la plupart. Toujours souriants, avec une envie de faire découvrir et d'aller à la rencontre des autres. J'avais presque l'impression d'être à la maison. Une gentillesse et une bienveillance omniprésente, des relations basées sur le partage et l'entraide. Un vrai plaisir d'y être. Et une envie incroyable de rester plus longtemps.

Le fonctionnement du lieu est très simple : des volontaires viennent du monde entier pour apprendre des savoir-faire qu'ils ramènent ensuite dans leur pays pour les enseigner à leur tour. Ces volontaires sont logés, nourris, blanchis et couvert, en échange de leur travail. Celui-ci est varié et peut aller de la cuisine à l'agriculture, l'élevage, la construction de bâtiment, la réparation de machines et bien d'autres.
En partant, je suis invité à venir partager leur vie, pour autant de temps qu'il m'en plaira. Tentant, non !?

http://www.oisca-international.org

mardi 29 décembre 2015

Mochitsuki yatta 餅付やった!

Il y a peu,  j'ai raté une chance inouïe de participer à l'une des principal événement de la culture japonaise : la préparation des mochi.
Mais c'était sans compter mon éternelle chance !
Ainsi donc Mme Yoshida 吉田さん, celle qui parle aussi vite qu'elle marche, m'a proposé de la rejoindre chez elle pour aller dans une ferme un peu spéciale dont je vous ferai sûrement la publicité dans un prochain article, tellement l'impression qu'elle me fit fut marquante.

Ce matin même, me levant aux aurores, j'enfourche ma bicyclette avec un grand sourire malgré le froid qui règne en ce début de journée. Il faut dire que dans les montagnes, le soleil tarde à se lever et s'empresse de se coucher. Je parcours à la hâte les quinze kilomètres me séparant de mon hôte, puis grimpe dans la voiture qui m'attend. On arrive quelques temps après dans la ferme dont je vous parlais un peu plus tôt. On y est accueilli les bras ouverts et avec de grands sourires. Ça commence bien.
Et enfin, le moment tant attendu est arrivé.

Devant moi, deux gros socles de pierres, dont la particularité est d'avoir une sorte de cavité immense en forme de bol. À côté, de gigantesques maillets en bois m'attendent le coeur serré. Et c'est parti.
Une première ration de riz cuit arrive dans une grande casserole, sous couverte d'un filet. On la déverse dans le bol de pierre. Puis avec les maillets, on commence d'abord par doucement pétrir le riz, tout en tournant autour. Jusqu'à temps qu'il forme une pâte homogène. De temps en temps, il faut tremper le maillet dans l'eau chaude pour pas que le riz ne lui colle sur la tête !!

Une fois la pâte prête, c'est le grand moment du peta peta ペタペタ, qui comme le son produit par ces mots le laisse imaginer, est le fait de compacter la pâte en tapant dessus. Entre chaque impact, une main agile pétri et tourne la pâte, à une vitesse telle qu'elle lui évite de prendre le coup de maillet sur la main, au pire sur la tête.
Yoisho Yoisho ヨイショヨイショ, nous sommes accompagnés par les cris des gens qui se joignent aux rythmes des djambe. C'est une sensation fabuleuse, l'impression de faire partie d'une équipe, se laisser transporter par la musique et les chants. Une sorte de transe envoûtante...

Ça ne s'arrête pas là !! Une fois la pâte pétrie, on la transporte en cuisine. On la place sur une grande plaque recouverte de katakuriko 片栗粉, de l'amidon de pomme de terre, afin d'éviter que ça colle. Une fois là, on découpe un petit morceau qu'on met dans la paume de la main. On en rabat les coins en l'étirant pour le rendre jolie. On y insère ou pas une friandise spécifique à chaque préfecture : dans notre cas, une boule de pâte d'azuki 小豆. Puis on ferme le tout en pinçant les bords entre eux, tout en le faisant tourner dans sa main. Enfin, on le retourne, le fait tourner à toute vitesse entre son pouce et son annulaire et on obtient, vous l'aurez bien compris, un mochi 餅 !!

Préparation de mochi, fait !

lundi 28 décembre 2015

Mannou kouen no iruminetion まんのう公園のイルミネーション

Fin de la journée, on a rendez-vous avec Shouji au magnifique Mannou kouen まんのう公園, son terrain de jeu. Pour rappel, il est volontaire dans cet immense parc de 35 hectares où il y a appris des tonnes de savoir sur la nature. Avec lui, j'ai adoré passé des journées entières à parcourir les jardins de long en large, tout en écoutant chanter les oiseaux, reniflant les fleurs, regardant les formes des feuilles des différents arbres, touchant les écorces variées des troncs et goûtant les plantes comestibles aux goûts sucré. De formidables souvenirs ..

Aujourd'hui encore, il accepte de nous guider avec sa gentillesse et sa bonne humeur légendaire. On commence la promenade en goûtant du vin chaud de Noël. À la différence qu'il ne fait pas assez froid pour le déguster avec autant de plaisir qu'un jour d'hiver rude en Alsace. Il y a de tous les parfums et de toutes les couleurs.
Mais ce qui nous attire plus que l'alcool, c'est la soupe. Et quelle soupe ! Ma préférée, le zenzai 善哉. Un mélange de haricots rouges, azuki 小豆 et de riz compressé, mochi 餅. On mange dehors, sur un banc, indifférent à la foule qui s'accumule autour de nous.

Une fois le ventre plein, la visite peut vraiment démarrer. La nuit commence à tomber, et avec sa venue, le parc que je connais par coeur commence à changer. Et moi à m'émerveiller.
Un gigantesque sapin tout de lumières blanches vêtu s'illumine sous mes yeux ébahis. Au sommet, une étoile jaune. J'en fait le tour lentement pour l'admirer sous toutes ses coutures. Et ce n'est qu'un début. Le plus beau reste à venir.

Dans la longue allée qui mène jusqu'à la cascade, un autre sapin, plus petit cette fois, constitué de coupe de champagne empilées dans laquelle coule de l'eau et au travers de laquelle se diffuse une douce lumière rouge qui se réfléchi au travers du cristal et de l'eau. Je vous laisse imaginer la beauté du spectacle. D'autant plus qu'une douce mélodie s'échappe de hauts parleurs dissimulés ça et là.
Je sens l'émotion me parcourir les membres. Je reste un instant figé.

Et puis c'est le final. Derrière, le paysage est couvert de lumières formant des dessins de fleurs sublimes. Un sentiment indescriptible s'empare de moi, alors que nous marchons d'un pas léger dans les allées. La magie de Noël me saisit, le bonheur d'être là avec des gens que j'aime. Et en même temps, le manque de ceux qui ne sont pas là pour partager ce moment unique à mes côtés.
Tout est trop beau, tout est trop magique, tout est trop merveilleux.

Les décorations luminaires du parc Mannou.

samedi 26 décembre 2015

Kurisumasu paati クリスマスパーティ

Vous ne croyiez tout de même pas que j'allais m'en tirer à si bon compte et passer outre les festivités de Noël j'espère !! Une fête de folie a été organisée en mon honneur par des personnes que je connais à peine, trop content de pouvoir discuter avec un européen, et d'une gentillesse à tout épreuve. Je suis accueilli comme un des leurs et ça fait chaud au coeur.

Ainsi, un énorme repas qui dure longtemps avec plus qu'il n'en faut pour mon petit estomac : du riz sauce curry, des salades composées, des boules de riz avec plein de légumes, j'en passe et des meilleurs. Et aussi plein de monde, des enfants, des plus grands, du champagne, des coupes qui se lèvent, des verres qui trinquent, et des gâteaux délicieux. J'ai même le droit à souffler la bougie du gâteau d'anniversaire du Christ !!

Après quoi, nous allons ensemble au temple où nous y chantons en harmonie, au rythme du tambour. Puis le moine bouddhiste me fait l'honneur de prier en ma faveur pour une bonne santé et l'absence d'accident, pour moi et ma famille. De mon côté, je remercie pour tous les cadeaux fantastiques que cette année m'a apportée. Il y'en a tant que je n'arrive plus à les compter.
J'ai été vraiment gâté et j'en suis reconnaissant. Vraiment. Merci.

Fête de Noël.

jeudi 24 décembre 2015

Meri kurisumasu メリークリスマス

J'ai une copine qui me pose toujours plein de questions bêtes auquel je me fais toujours un plaisir de répondre. Et je ne vais pas vous laisser plus longtemps deviner celle du jour : est-ce qu'on fête Noël au Japon ?
Difficile comme question...
À laquelle je rejoindrais oui et non. Je m'explique.

Nul n'est pas sans savoir que Noël est la fête d'anniversaire du petit Jésus, né ce même jour il y a 2015 ans (même si les puristes diront gnagnagna). Or, Jésus de Nazareth, ce grand personnage historique, fils de Dieu, n'est reconnu que par la religion chrétienne. Et donc, aucune mention du bonhomme dans les autres textes, encore moins bouddhistes et shintoistes, les religions locales.
Noël n'est donc ici qu'une fête de plus, importée des États Unis, tout comme l'est Halloween.

Cependant, une autre fête s'apparentant à Noël est celle du nouvel an, quelques jours plus tard. Inutile donc de faire deux festivités identiques à si peu d'intervalle.
C'est ainsi que les japonais se sont appropriés Noël, et l'ont finalement transformé à leur façon, c'est à dire en fête des amoureux, l'équivalent de notre Saint Valentin ! Ce soir, les couples sortent, se tiennent par la main, s'offrent des cadeaux, vont au cinéma et mangent des repas hors de prix.

Personnellement, je ne suis pas concerné compte tenu que je n'ai pas d'amoureuse à qui offrir mon amour, si ce n'est la grand mère de la famille... qui dors déjà !!
Néanmoins, Hatsuyo 初代, la maman de la famille, a tenu à marquer le coup en faisant une succulente salade où elle a mis tout son coeur. Avec du caviar dessus (défi relevé et validé) !!
Ça se sent qu'elle s'est donné du mal et chacun se régale. Avec, une délicieuse soupe de potiron sucrée dans laquelle on mélange le riz pour faire une sorte de risotto. Tout simplement excellent.

Point de sapin, point de cadeaux, point de nourriture spéciale. Ici, c'est presque un jour comme un autre. Je dis "presque" car Ayumi, elle, est dehors avec son chéri en train de s'amuser. Et puis dans la rue, certaines maisons sont tout bonnement sublimes, bordées de décorations qui brillent de mille feux, et seules semblent rappeler l'esprit de Noël. Alors pour ce qui est de la vraie fête, il me faut encore un peu patienter ...

Joyeux Noël.

mercredi 23 décembre 2015

Tennou tanjoubi 天皇誕生日

Aujourd'hui, 23 décembre, est un jour férié au Japon car c'est le jour de l'anniversaire de l'empereur, l'équivalent japonais de la reine d'Angleterre. Il vit dans un palace en plein milieu de Tokyo entouré par 30 millions de ses concitoyens et passe à la télé pour raconter plein de choses dont je n'oserai vous faire le résumé de peur de vous endormir. Ce qui est le plus intéressant dans tout ça, c'est la charmante fille de l'empereur, coeur à prendre et idole du peuple du haut de ces trente ans.

Mais peu m'importe à vrai dire, tellement je suis obnubilé par un autre événement qui m'inspire encore plus de joie et d'amusement. La préparation des mochi 餅付 !!
C'est la grande tradition du nouvel an et je me fais déjà tout un plaisir à l'idée de pouvoir écraser du riz au maillet dans un gigantesque bol de granit. Depuis ce matin déjà, je n'ai que cette idée en tête, comme un gamin au matin de Noël, pressé d'ouvrir ses cadeaux. (
Mais avant ça, Toshihiro 敏弘 a faim et insiste pour qu'on aille d'abord manger des udon うどん, spécialité d'ici pour rappel.

Le restaurant où nous allons se situe à Zentsuji 善通寺市, à une quinzaine de kilomètres. Le concept de self service est original : on demande sa ration à une grand mère puis on se fait bouillir soi-même ses nouilles, à quoi on y rajoute la soupe et les ingrédients qui vont dessus (poireaux, gingembre et autres épices).
Sans surprise, on persiste à me parler en anglais et croyez-moi, au bout de la millième fois, le "f**k y*u" n'est plus très loin de la sortie. Moi français, moi parler japonais, moi pas comprendre quand toi parler anglais. Malheureusement, je n'ai toujours pas trouver une manière intelligente de répondre, mais ça va venir. Et promis, je vous la partagerai, tant jusqu'ici, les innombrables tentatives ont été infructueuses.

Après quoi, on va flâner dans les magasins, s'arrêtant ça et là pour regarder les décorations du nouvel an ou savourer une délicieuse boisson caféinée autour d'un gâteau à la framboise et au fromage. Mais ça à beau être succulent, je commence à m'impatienter, pressé d'arriver sur le lieu où je vais enfin pouvoir exercer ma force à écrabouiller de la graine.
Seulement, lorsqu'on arrive, il n'y a plus personne. Quoi ? L'événement est déjà terminé ?! Il vient juste de finir ?!?! Non, c'est pas possible ! Dites-moi que c'est pas vrai ...
Ah, on peut quand même savourer des mochi tout chauds. Ça me fait une belle jambe. J'étais venu pour les faire, pas pour les manger ! Enfin, je prends quand même, comme lot de consolation.

Et effectivement, la déception se lit sur mon visage. Ils ont beau être exceptionnellement délicieux, cela rajoute encore plus de tristesse d'avoir manqué de participer à leur confection.
Seul la piscine et l'entraînement pourront me faire oublier cette fâcheuse ratée. Tant pis. Il y aura peut être une autre occasion, qui sait ?
En attendant, nous sortons les micros car ce soir, c'est soirée karaoke カラオケ en l'honneur de cet événement si particulier :

L'anniversaire de l'empereur.

Nichirenshuu 日蓮宗

Je me rappellerai toujours de ma première fois. Ce fut lors de la lecture d'une bande dessinée rigolote, dont je tairais le nom pour ne pas faire de pub à son auteur qui bien que très talentueux, a fait preuve envers moi d'une malhonnêteté sournoise.
Il y était racontée l'histoire d'un enfant découvrant sa mère, agenouillée devant un altar, répétant le mantra "Namu Myōhō Renge Kyō" 南無妙法蓮華経. Et cet enfant, ne comprenant pas la signification, croyant entendre "Dame Myo, reine des Kyo", laissa son imagination inventer une vie de chevalier et de princesse...

Puis, pendant un long moment, plus rien. Jusqu'à ce que lors d'un de mes pèlerinages, je tombe sur un jeune homme d'une incroyable gentillesse qui m'invita chez lui. Après une bonne nuit de repos, je restais seul avec sa mère qui me demanda si je voulais bien lui faire l'honneur de prier avec elle. Avec toute l'hospitalité dont elle avait fait preuve pour moi, impossible de refuser une telle proposition. Ainsi, tout deux agenouillés devant un petit autel dans sa salle à manger, elle commença à entonner un mantra dont je reconnu immédiatement les paroles, c'était le fameux "Namu Myōhō Renge Kyō" !

Mais entre le lire dans une bande dessinée et l'écouter puis le chanter en vrai avec quelqu'un d'autre, la différence s'apparente à celle qui existe entre le jour et la nuit. À l'intérieur du corps se crée une résonance qui met l'esprit dans un état de transe. Mieux, le rythme de synchronise à celui de l'autre et on entre alors dans une sorte de communion mystique mais bien réel de ce que je pourrais décrire comme un partage d'énergie. Je n'oublierai jamais ce moment.
D'ailleurs, il resta à ce point gravé dans ma mémoire que lors de mon pèlerinage, dans les moments de prière ou de charité, j'entonnais en moi le fameux mantra pour me donner du courage et de la force.

L'histoire ne s'arrêta pas en si bon chemin. Je rencontra plus tard Mme Tanaka 田中, une amie de Shoji 祥同 qui m'invita à venir chanter avec elle au temple Nichiren 日蓮 de Marugame 丸亀. Elle insista même pour que je prenne la liste des adresses des temples Nichiren d'Hokkaido 北海道 où je devais me rendre. C'en était trop et j'avais l'impression de me faire forcer la main par une inconnue. Sentiment à vrai dire assez désagréable.
Mais avance rapide dans le futur, me voilà en train de faire du stop pour repartir d'Hokkaido lorsque je rencontre un homme fantastique, Shin 信ちゃん, qui deviendra par la suite un grand ami. Ce n'est autre que le moine en charge de toute la partie nord d'Hokkaido pour, je vous le donne en mille, Nichiren.

Ensemble nous allons visiter le sacrosanct siège à Shizuoka 静岡, l'équivalent du Vatican pour les chrétiens. À sa demande, je vais même visiter le temple de Paris, où je fais la recommandation de Shin auprès de son supérieur.
Enfin, pas plus tard qu'aujourd'hui, je suis invité par Mme Tanaka à une prière collective mensuelle dans le plus grand temple de Kagawa 香川県, celui de Mitoyo 三豊市. Avec plus d'une centaine de personnes réunies dans cet immense temple, nous chantons tous d'une voix unanime notre mantra fétiche, qui semble vibrer autant dans le bâtiment sacré que dans nos coeurs. Une expérience assez sensationnelle.

Nichiren.

mardi 22 décembre 2015

Soba そば

Aujourd'hui, nous avons rendez-vous avec Monsieur Nagata 長田さん à l'autre bout de la ville de Mitoyo 三豊市 pour un événement un peu particulier. Mais d'abord laissez-moi vous présenter cet adorable personnage qui vit seul dans son immense demeure et contrairement à la plupart des japonais est quelqu'un de très tactile. Sans vraiment savoir pourquoi, j'adore déjà ce grand père au sourire doux et aux paroles affectueuses ! Mais là n'est pas le sujet du jour.

Nous avons rendez-vous vous disais-je pour savourer des soba そば qui sont en fait des nouilles tirées des graines du même nom et que chez nous, nous appelons communément blé noir ou sarrasin. À peine arrivé devant le lieu communautaire où nous sommes cordialement invités, que les personnes en sortant nous vantent les mérites de ce que nous sommes venus déguster. Ça promet !

À l'intérieur, la place assise est chère mais avec un peu de patience, nous trouvons un endroit où nous asseoir. En attendant le service, nous faisons connaissance avec les locaux qui sont ravis de voir que je parle leur langue. C'est effectivement ici un avantage indéniable pour se faire apprécier en tant qu'étranger. Une fois la soupe servie, elle est si bonne qu'elle est par tout un chacun avalée d'un trait, même en essayant de prendre son temps. Finalement, la préfecture de Kagawa 香川県, si fameuse pour ses udon うどん à quelques trésors bien cachés !

Avant de partir, je vais faire un tour en cuisine où je peux admirer les cuisiniers à l'oeuvre. D'abord la farine, dans laquelle on pulvérise un mélange d'oeuf et d'eau tout en mélangeant avec les mains. Lorsque la pâte atteint une consistance solide, on l'aglutine en une boule en forme de pâton. Après quoi, on peut l'étaler avec un rouleau (ou une bouteille en verre vide), tout en rajoutant de la farine pour éviter que ça colle. Une fois que la pâte atteint quelques millimètres de hauteur, on peut la replier en couches successives de 10 cm de longueur environ. Puis à l'aide d'un long couteau, il faut découper la pâte en fine lamelles et les saupoudrer de farine.
Il ne reste plus qu'à les décoller, les plonger directement dans l'eau bouillante pendant 5 minutes et y ajouter les légumes ou épices que vous adorez. 

Une fois que j'ai attentivement observé tout le procès, le chef me propose d'essayer à mon tour. J'ai vraiment envie de mettre la main à la pâte, mais tout le monde m'attend déjà depuis un bon moment. C'est qu'on a du pain sur la planche.
Néanmoins, je ne m'en vais pas sans acheter un sac de farine de sarrasin, quasi impossible à trouver dans les magasins du coin.
En effet, le lendemain, je cuisine des galettes bretonnes dont mes hôtes se régalent, même monsieur Nagata qui nous rend visite justement à ce moment là.
À mon tour de faire partager ce que je sais faire.

Sarrasin.

dimanche 20 décembre 2015

Nihon no kiraina koto 日本の嫌いな事

Suite logique de l'article d'hier, après l'agréable, le détestable. Soit une petite liste des choses que j'ai du mal à supporter dans ce pays pourtant si fantastique.

Pas de poubelle. À croire que la formidable trouvaille d'Eugène Poubelle n'a pas atteint cette île reculée qu'est le Japon. Ainsi, il faut garder son petit sac plastique avec ses détritus et le ramener jusqu'à chez soi. Compliqué pour un pique nique ou une promenade avec le chien.
D'autant plus que les poubelles sont payantes, mais à la différence de nous, au poids. Et ce qui peut sembler être une bonne idée au préalable, ne l'est pas au final ! Car même dans un pays aussi respectueux que le Japon, certains individus peu scrupuleux préfèrent jeter dans la nature que payer la taxe. On retrouve donc entre autres des frigos, des télés et autres gros électroménagers en pleine forêt.
Enfin, dernier point vraiment dérangeant, le tri. Tandis que nous venons juste de le simplifier, les japonais doivent d'abord laver chaque détritus, puis les trier dans 10 différentes poubelles, rien que ça ! Bouchon plastique, emballage plastique, bouteille plastique, aluminium, fer, compost, verre, papier, électrique, normal. Rien que ça !

Distributeur de monnaie. Non pas tant par le fait que ce soit compliqué de comprendre les différents menu japonais, mais plutôt le fait que chaque banque n'accepte que les cartes de ses propres client. Du coup, même avec une carte Visa, sensée être internationalement reconnue, impossible de retirer de l'argent. Excepté dans les bureaux de poste. Heureusement, il y'en a un dans chaque ville. Mais les heures d'ouvertures sont très souvent restreintes. Et comme les commerçants n'acceptent pas la carte, vaut mieux prévoir et toujours avoir du cache sur soi. Vraiment pas pratique du tout.

Étranger = Américain. Je ne peux pas trop les blâmer pour ça, nous faisons pareil en prenant chaque asiatique pour un chinois. Mais ils poussent l'erreur jusqu'à persister pour me parler anglais avec le pire accent que j'ai jamais entendu. Les indiens, les australiens et les irlandais passeraient à côté pour de purs londoniens,  c'est pour dire.
J'ai beau leur expliquer que je parle couramment le japonais que j'ai fait l'effort d'apprendre, que je n'ai pas envie de parler avec eux une langue qui n'est ni la mienne ni la leur, ils insistent, parfois lourdement, pour pratiquer avec moi. Mauvaise pioche.

La luxure. Quand on est un pays aussi riche que le Japon, il faut dépenser beaucoup plus qu'un pays normal, c'est à dire énormément. Cette luxure induit donc les comportements du consumérisme moderne pousés à l'extrême, au premier plan duquel le gaspillage. On jette la nourriture à peine mangée sans problème, on laisse tourner son véhicule pendant des heures pour utiliser la climatisation, on change de voiture tous les 4 ans, on construit plein de maisons alors qu'il y'en a plein qui sont inutilisées.
Réparer, réutiliser, repriser ? Hors de questions, on achète neuf.

Tout est privé. Comme aux États Unis, passer par la case université ou hôpital coûte un bras, une jambe et son portefeuille. Vous n'avez pas de sous, allez vous trouver un travail, les études ne sont pas pour vous. Vous manquez d'argent, veuillez mourir devant la porte des urgences. Ce n'est pas tout !
Une autoroute gratuite, même pas en rêve. Le gaz, l'eau et l'électricité sont la dépense la plus importante des ménages. Le shinkansen 新幹線, TGV local coûte environ 3 fois le prix du notre, pour un service identique, le retard en moins.
Ce qui en fait l'un des pays les plus chers du monde.
Les choses que je déteste au Japon.

vendredi 18 décembre 2015

Nihon no sukina koto 日本の好きな事

Je pourrais vous raconter chaque jour le ramassage de salade, les repas, les bains, mais j'aurais peur de vous lasser de part le manque de diversité de mes activités quotidiennes. À première vue, cela pourrait sembler rébarbatif, et en effet, ça l'est. Par contre, ce qui ne l'est pas, c'est tous ces moments passés avec la famille à raconter des blagues, à apprendre des choses, à raconter des histoires.
Mais rien de très passionnant pour les amateurs de voyage, pas d'aventures extraordinaire, pas de grosses galères, pas d'intense suspens.
Alors pour aujourd'hui, et en patientent jusqu'aux tant attendues fêtes de fin d'année, je vais vous parler de ces petits choses que j'adore au Japon.
C'est parti !

Les conbini, ces petites supérettes qu'on retrouve un peu partout, ouvertes 24h sur 24 et où on peut tout acheter, en allant des vêtements à la nourriture en passant par les mangas et même des rasoirs. Toujours accueilli par un irrashaimase いらっしゃいませ des plus enthousiastes, ça fait tout le temps plaisir de pénétrer dans ses mini temple de la consommation, ne serait-ce que pour voir du monde, s'abriter de la pluie, manger un morceau au chaud, lire gratuitement un manga ou tout simplement aller aux toilettes. À quand leur importation en France ?

Les washlet, justement, sont ces sortes de toilettes de l'espace qu'on ne voit que dans Star Trek, mais qui font parti du commun des japonais. Tous ces boutons qui déroutent dans un premier temps ont finalement tous leur utilité bien spécifique une fois qu'on a appris à les connaître. Il n'y a plus qu'à tester pour savoir. Des petits jets qui arrosent les fesses avec plus ou moins de puissance, à la chaleur du siège chauffant en hiver, sans oublier la diffusion de parfum et les faux bruits de chasse d'eau permettant de cacher d'autres sons plus gênants, tout à été soigneusement pensé pour le meilleur confort possible. Et c'est une réussite !
Le top, la chasse d'eau qui se remplit coule depuis un robinet dans un petit lavabo permettant de se laver les mains.

Les trottoirs, ces pistes qui servent ici aussi bien pour les piétons que pour les vélo, avec souvent une démarcation bien définie pour ne pas se percuter, est un véritable gage de sécurité. On en trouve partout et il est ainsi totalement possible de prendre de grandes nationales sans risquer de se faire tamponner par le premier chauffard qui se présente. S'il arrive par hasard qu'une route n'ai pas de trottoir, souvent par manque de place, il est remplacé par une bande verte délimitant la place accordée aux personnes non motorisés. Moins de frayeur donc plus de plaisir à se balader. Une excellente initiative.

Les caisses de magasin, complètement différentes des notres. Ainsi pas besoin de sortir tous ses articles du caddy, ni de les ranger dans les sachets. Les caddy sont ainsi conçus que l'on peut y poser son panier, ou le porter à la main. Une fois les courses terminées, le client n'a qu'à poser son panier sur la caisse, puis la caissière le récupère, passe tous les articles un par un et les range dans un sachet pour vous, puis les repose dans le panier mieux qu'un pro du Tetris range les briques, puis rend le panier. Il n'y a plus qu'à récupérer son sac plastique.
Quant au règlement, on peut simplement payer par carte ou par téléphone en le faisant glisser sur l'appareil de paiement (NFC) ou par monnaie que la caissière met dans une machine qui compte automatiquement les pièces et rend la monnaie, sans risque d'erreur et à une vitesse incroyable.

Les feux tricolores de signalisation, bien que semblables aux notres ont la particularité d'être tous équipés de Led, économie d'énergie oblige. Une plus longue durée de vie et une finesse à faire pâlir les mannequins de Yves Saint Laurent. Mais là n'est pas le plus important, c'est plutôt l'attente : jamais plus de deux minutes. Il est même possible d'appuyer sur un bouton qui immédiatement, je dis bien, immédiatement, fais passer le feu du vert, au orange puis au rouge. Jamais il n'a été plus facile de traverser. Surtout pour les aveugles, car des petits haut parleurs diffusent des sons musicaux par alternance, tandis que des picots au sol permettent de se diriger. Bravo !

Les choses que j'aime au Japon.

jeudi 17 décembre 2015

Nihon he sumitai 日本へ住みたい

À force de retourner tous les ans au même endroit, la question légitime suivante vient forcément à l'esprit pour qui y réfléchit un tant soit peu : pourquoi ne pas s'installer sur place, tout simplement, et ainsi éviter les allers-retour incessants ?
Et pour tout vous avouer, j'y pense également souvent. D'autant plus que j'y ai une vie comblée, passionnante et pleine d'aventures épiques. Tout semble idéal. Et pourtant, ce simple pas à franchir m'est aujourd'hui encore impossible à faire. Pourquoi ?

Déjà parce que la vie de rêve, de part sa définition, n'est juste qu'une vue éphémère de l'imagination. C'est magnifique dans l'instant, intense dans le présent, merveilleux sur le moment. Mais comme toute bonne chose, finit toujours par se terminer. Alors certes, j'ai réussi par un tour de passe passe, et à force d'acharnement, à transformer un rêve instable et chaotique en douce et paisible rêverie. Mais de là à passer à la réalité, le plus dur reste à faire.

Le problème du visa se pose d'abord : trouver un sponsor ou une épouse ne se fait pas en un clin d'oeil. Les japonais ne manquent ni de main d'oeuvre, ni de beaux et riches courtisans. Après quoi, il faut trouver un travail salarié, pour être digne d'être accepté par l'ensemble de la société, et avoir une petite rentrée d'argent. Enfin, le plus difficile, trouver une famille avec laquelle vivre, car seul, à quoi bon.
Trois problèmes qui bien que surmontables, offrent un challenge corsé à qui essaye de les résoudre.

Si ma vie en France avait été catastrophique, tout aurait été tellement plus facile ! J'aurais ainsi eu une raison de vouloir me battre et de vouloir à tout prix cet asile doré.
Seulement voilà, j'ai déjà une vie géniale dans mon pays natal. Je partage mes journées avec une famille géniale que j'aime très fort, je vis de ma passion, j'apprends tous les jours, je m'amuse à loisir, je ne manque jamais de rien et j'ai la possibilité de réaliser mes rêves tout en étant libre. Que demander de plus ? Pourquoi vouloir quitter ce qui semble déjà être le summum du bonheur ?

D'autant plus que le Japon, bien que fantastique pays, n'est pas non plus le monde des bisounours. La pression sociale est très forte : si tu ne fais pas comme tout le monde, on te boycotte. Les règles sont très strictes, les respecter quoiqu'il arrive est plus qu'un principe morale, c'est une obligation. La culture, la langue, les manières sont totalement différentes, pas facile de s'y adapter. Dur de ne faire ni câlin, ni bisous, de ne pouvoir échanger sur certains points tabou, de se plier à toutes les bonnes manières, de devoir travailler comme un dingue pour se faire respecter, et surtout, surtout, abandonner sa liberté.
Un prix trop cher à payer.

J'aimerai vivre au Japon.

mercredi 16 décembre 2015

Asa gohan 朝御飯

Ça faisait un bon moment que je ne vous avais pas parlé de nourriture, l'un de ces trésors du Japon. Ça vous a manqué ? Ça tombe bien et je vais de ce pas vous raconter pourquoi !
Pas plus tard qu'hier, une copine m'a posé une question très intéressante et j'ai tout de suite eu envie de partager la réponse avec vous. Son interrogation portait sur ce qu'on prend au petit déjeuner au Japon.

Tout d'abord, il faut savoir que la plupart des japonais était plutôt salé que sucré, même si c'est en train de changer avec cette invasion mondiale de la culture américaine. Ainsi, on peut aisément trouver des céréales et du lait, du jus d'orange et même du café. Et même en cherchant bien, des croissants. Mais rien de très traditionnel dans tout ça. Pour manger un tel repas, pas besoin d'aller à l'autre bout du monde.

Au contraire, le petit déjeuner japonais est toujours composé de trois mets primordiaux : la soupe au miso 味噌汁, le bol de riz 御飯 et le thé vert お茶.
Le mieux, c'est que chaque ingrédient varie d'une famille à l'autre, d'autant par la qualité du riz ou du thé, que part les différents légumes mis dans la soupe.
À partir de cette base, tous les combinaisons sont possibles.
Personnellement, j'adore rajouter un oeuf cru 生卵 mélangé à du tamari 醤油, qu'on appelle "Tamago Kake Gohan" 卵かけ御飯. A quoi j'y rajoute sur le dessus du natto 納豆, ces haricots fermentés qui collent pire que la glue et qui sentent pas forcément très bon.

Mais laissez-moi vous raconter ce que je considère le meilleur petit déjeuner traditionnel que j'ai jamais mangé, celui de Shoji. Son idée principale, c'est de mélanger les senteurs, les saveurs et les couleurs. Et autant vous dire qu'il y réussit à la perfection, des années d'entraînement lui ayant donné cette expérience nécessaire à l'atteinte du plaisir suprême. Son petit déjeuner japonais est juste un délice que je vous laisser découvrir grâce à la photo ci-jointe.

Ainsi, à cette base dont je vous parlais, mon hôte ajoute une boisson chaude, souvent un thé au gingembre, une boisson fraîche et un jus de fruit.
Avec ça des glucides que ce soit du pain ou des pancakes avec de la confiture, des légumes et fruits frais, une protéine, viande, poisson ou oeuf et une lipide, beurre ou fromage. Tout ça en quantité suffisante mais non abondante.
Et chaque jour, cela change. Jamais lassé, toujours étonné.
Vous comprendrez qu'après un tel repas, n'importe qui pourrait déplacer des montagnes où au moins aller couper quelques salades.

Petit déjeuner.

Henro hi 遍路日

Ceux qui me suivent depuis un bout de temps connaissent plus ou moins ce célèbre pèlerinage qui se déroule sur l'île sur laquelle je me trouve : Shikoku 四国.
Pour les autres, le but consiste à visiter 88 temples perchés tout autour de l'île et de revenir jusqu'au point de départ en faisant une boucle d'environ 1200km.
Une promenade que j'ai déjà faite 4 fois, dans tous les sens et sur différents chemins.

Et bien figurez-vous que j'ai eu une idée un peu folle aujourd'hui, celle de faire une journée pèlerinage ... à vélo !
Pour ce faire, j'ai forcément évité la facilité comme vous auriez pu vous en douter.
Déjà, il faut savoir que le vélo que j'emprunte à Toshihiro, le père de famille, n'est pas à ma taille. Je dois donc pédaler en grenouille ou en danseuse. Imaginez le résultat. Ajoutez à cela un poids redoutable, surtout en montée, et seulement 7  vitesses, et vous comprendrez vite que je pars déjà avec un handicap de taille.

Le premier parcours doit me mener de la maison jusqu'au temple numéro 83, Ichinomiyaji 一宮寺, à 40km de distance. Pour ce faire, il me faut franchir un col puis quelques routes qui montent et descendent en permanence. Si le Japon était plat, ça se saurait !
J'arrive enfin après quelques heures de pédalage intensif et un peu en nage. Le temple est très joli bien qu'à l'abord d'une grosse ville. Il y'a toutes sortes d'arbres dans un jardin superbement entretenu, et des constructions de bois au toit courbé. Un classique. Mais qui fait toujours son petit effet.
Je prends un moment pour y faire une prière de remerciement pour la chance que j'ai d'être si bien accueilli dans une famille aussi adorable et également d'avoir tout ce dont j'ai besoin dans la vie. Merci.

Puis je repars sous la pluie, pour Kokuseiji 国清寺, un lieu sacré qui fait partie des 20 temples cachés appelés Bangai fudasho 番外札所, situé à 10 km de là. Rien de spécial dans ce temple si ce n'est qu'il est plus calme que les autres car moins connu. Oubliez donc les bus de touristes qui viennent envahir les lieux comme si c'était un centre commercial à l'ouverture des soldes. Ici, que des connaisseurs ou des locaux. Et puis avec ce fâcheux temps, il ne fait déjà pas bon traîner dehors, alors encore moins faire une promenade.
Tant mieux pour moi, j'en profite pour savourer la sérénité de l'endroit.

La suite se passe sur le mont Oohira 大平山, dans les temples Negoroji 根来寺 et Shiromineji 白峯寺, respectivement à 8 et 15km. De la bonne montée en danseuse dont mes jambes se plaindront encore dans une semaine tellement leurs muscles brûlent de douleur. Cependant, le jeu en vaut la chandelle et une fois arrivé, il me faut encore parcourir des escaliers en pierre interminables avant d'arriver au saint grall. Des temples magnifiques en plein milieu de la forêt ruisselante me permettant de contempler à loisir cette prouesse toute japonaise d'arriver à créer des bâtiments se fondant à merveille dans la nature.
La suite, c'est la descente pour rentrer à la maison, 40km plus loin, où m'attend un bon bain réparateur et surtout, le plus important, une famille. À ce rythme là, j'aurais fait la totalité du pèlerinage en 10 petits jours. Mais aurais-je réussi à maintenir cette cadence infernale ?!

Journée de pèlerinage.

mardi 15 décembre 2015

Kompirasan mou ikkai nobotta 金比羅山もう一回登った

Mme Yoshida est une grand mère qui parle aussi vite qu'elle marche, c'est à dire très vite. À tel point que la dernière fois que l'on s'est vu, j'avais autant de mal à la suivre en parole qu'en enjambées.
D'ailleurs, à chaque fois que je la rencontre, je suis saisi d'une pointe d'admiration, empreinte d'envie : j'aimerai être aussi en forme à mes 60 ans qu'elle ne l'est à ses 76 ans ! Quelle énergie incroyable elle tient. À croire qu'elle a percé le secret de la fontaine de jouvence !!

Nous avons donc rendez-vous à la station de train de sa ville, Kotohira 琴平, qui se trouve à une quinzaine de kilomètres de chez moi, soit 50min à vélo. Une fois sur place, à peine eu le temps de poser ma bicyclette que c'est déjà parti. Elle enchaîne les mots avec une cadence impressionnante, tout en me menant à toute vitesse à  travers les raccourcis de la ville, vers un petit magasin de mochi 餅. À l'intérieur se vend un mélange de toutes les couleurs de ces délicieuses friandises à base de riz 米 fourré de pâte d'haricot rouge 餡 (あんこ).
La pâtissière me fait même un cadeau en m'offrant un petit feuilleté où se cache un mini mochi à l'intérieur. Un subtil cheval de Troie inspiré de deux cultures totalement opposées, mais finalement tellement proches.

Une fois la dégustation terminée, la digestion se fait en grimpant dans la montagne à la recherche des plus beaux endroits où poussent les momiji 紅葉, ces arbres aux fameuses feuilles rouges. Mais contrairement à Kyoto 京都 où le froid est plus virulent que par ici, la relative douceur du climat ne donne pas une couleur si écarlate aux pelage des arbres. Dommage.
Dans la prairie, un manteau globalement orangé, variant du jaune foncé au rouge clair nous est néanmoins agréable à regarder. Nous montons jusqu'à un chemin de terre par laquelle nous redescendons.

Nous arrivons à un restaurant où Mme Yoshida fait festin. De mon côté, je passe mon tour. Non que les prix ultra chers soient un réel frein, mais surtout que j'ai déjà mangé un repas gargantuesque avant de venir. À ce moment nous rejoignent deux jeunes femmes au grand sourire. Vu la familiarité avec laquelle on s'adresse la parole, je devine que ce sont des amis de Mme Yoshida. Tout juste.
Les présentations faites, la discussion bat son plein. Et une fois le déjeuner avalé, Mme Yoshida nous quitte brusquement, c'est à dire aussi vite qu'elle parle en marchant.

Avec les deux demoiselles et leur chien, nous prenons la route du temple Kompira 金比羅, gravissant les nombreuses marches qui séparent l'entrée du sommet. La visite est toujours aussi magnifique que la fois précédente, et le changement de saison, bien que rendant le paysage différent, ne le désembellit pas pour autant. Le sanctuaire et la forêt qui l'entoure ont revêtu leur charmante parure d'automne. Tous les bâtiments couvert de mousse et éclairés de mille feux d'or brille de cette force qu'ont seules les constructions centenaires.
La promenade s'effectue tout en conversant de la vie de chacun. Tant et si bien que nous voilà déjà en bas des escaliers de pierre de nouveau. On se quitte comme on s'est rencontré, sur un sourire.

Le mont Kompira, encore une fois.

lundi 14 décembre 2015

Oohira ke 大平家

J'ai honte, très honte. Et voici le pourquoi.
Comme je vous le disais hier, voilà déjà un peu plus d'une semaine que je suis dans cette famille formidable dont je vous compte les aventures quotidiennement, et je viens à peine de me rendre compte que j'ai complètement oublier de vous les présenter. Erreur que je vais volontiers réparer de ce pas, si vous me le permettez.

Tout d'abord, Toshihiro 敏弘, le père de famille, est maire de la ville de Mitoyo et fermier. Toujours le sourire et jamais énervé, il aime faire des bonnes blagues, même si je dois encore en rater quelques unes. Non pas par manque d'inattention, juste qu'il parle très vite et en jargon du coin, avec cette sorte de mots n'existant même pas dans le dictionnaire japonais !!
Ensemble, on fait aussi pas mal de bêtises car comme moi, il ne respecte pas trop les trop strictes règles de ce pays. Il se gare souvent n'importe où, coupe les files, passe de justesse au feu orange, mange avant tout le monde, met plein de miettes partout.
Un drôle de larron qui parle que lorsque c'est nécessaire, sait écouter les autres et les mettre en valeur, non pas tant que c'est son métier, mais aussi son plaisir. Il rêve de voyage et de plaisir de riches qu'il n'a jamais pu se payer étant jeune.

Puis il y a Hatsuyo 初代, la maman, véritable femme à tout faire de la maison. C'est elle qui prépare de délicieux repas, qui fait le ménage, la vaisselle et tout le reste, jour après jour, sans rechigner. Elle a cette patience pour me parler lentement, m'expliquer tout ce que je ne comprends pas et mieux, m'apprendre plein de choses que je ne connais pas. Ensemble, il nous arrive de discuter pendant des heures sans s'en rendre compte. Et aussi d'aller faire des excursions tous les deux à la découverte des trésors du Japon.
Il lui arrive souvent de râler contre son mari et de s'emporter. Mais, à ce qu'elle me dit, c'est sa manière de l'aimer. Une vraie dame avec un grand coeur.

Ensuite, il y a Keiko 慶子, la grand mère la plus adorable du Japon. Toujours en train de sourire, elle est juste magnifiquement belle. De cette beauté que la gentillesse, la tendresse et la douceur donne aux personnes qui les possède.
J'aime beaucoup parler avec elle, de tout et de rien, comme le font les vieilles personnes avec les jeunes. Sauf qu'au lieu de m'en contreficher, au contraire, je lui prête une oreille attentive. Ça me fait tellement plaisir de passer du temps avec elle et d'admirer son splendide sourire.
Elle ne veut jamais qu'on l'aide pour une simple et bonne raison : elle veut travailler le plus possible pour ne pas s'ennuyer et surtout ne pas être dépendante des autres. Je la trouve très courageuse, car en plus de ses 84 ans, elle souffre des jambes après un accident de voiture survenu à ses 40 ans, et dont elle ne s'est jamais totalement remise.

Enfin, les deux enfants qui vivent avec nous, Kousaku 幸作 et Ayumi  あゆみ.
Le premier a 28 ans et est d'une timidité incroyable. Son boulot dans une usine de fabrication de carbone fait qu'on se croise car il travaille de nuit. Et bien qu'étant son voisin de chambre, à part pour échanger quelques politesses, nous ne nous somme jamais parlés.
Quant à la seconde, c'est une très charmante jeune fille de 22 ans, que j'aime à surnommer "la belle au bois dormant" 眠姫ちゃん, tout d'abord parce que c'est vrai qu'elle est belle, mais surtout parce qu'elle passe son temps à dormir ! À part ça, je n'en sais pas beaucoup plus, non pas qu'elle soit aussi réservée que son frère, juste qu'entre son travail et son sommeil, il ne reste plus beaucoup de temps pour le reste.

La famille Oohira.

dimanche 13 décembre 2015

Paati パーティー

Pas plus tard qu'hier, je me plaignais à vous de cette organisation exagérée des japonais qui ne laisse pas de marge de manoeuvre, ni même de liberté d'action. Mais il faut voir le bon côté des choses, cette contrainte a également plein d'avantages, surtout en ce qui concerne les fêtes. D'ailleurs, je peux dire que je n'en ai jamais participé à autant que depuis que je suis arrivé à Mitoyo 三豊. Même pas une semaine que je suis dans cette famille que j'ai déjà été invité 3 fois à festoyer. Qui disait que le Japon est trop sérieux ?

L'organisation, nous disions donc, permet de ces fêtes où il n'y aucun soucis : on ne manque de rien, on sait à la minute quand ça commence, quand ça finit, le nombre d'invités, les jeux. Il ne reste plus qu'à savourer et s'amuser. Et effectivement, on rigole beaucoup. D'autant plus que si les japonais sont parfois de vrais drôles, Toshihiro, le père de famille, est l'un des champions en titre. Pas un jour sans qu'on se marre. Et la fête, ce moment si particulier, lui tire le summum de son art clownesque. Il enchaîne les blagues avec intelligence.

Ce qu'il y a de génial aussi dans les fêtes, c'est qu'on mange bien. Vraiment excellemment bien ! Jamais de "Gochizosamadeshita" ごちそうさまでした, signe d'un repas bien honoré, n'est jamais prononcé avec autant de franchise. Des poissons fantastiques autant crus, comme les sushi 寿司, que cuit, des viandes inconnues, comme le cerf シカ, les fritures ハゲ, les légumes 野菜, les fruits 果物, et plusieurs autres mets dont la liste exhaustive serait trop longue pour tenir dans l'article. Une sorte d'orgie gustative à faire pâlir nous ancêtres romains.

Dans ces fêtes, hormis les blagues, on y discute souvent de l'actualité locale, voir mondiale. D'ailleurs, comme si je devais aussi absolument savoir ce qu'il se passe dans mon pays, tout le monde me pose des questions sur les attentats, moi qui ne regarde ni la télé, ni encore moins les informations. Qu'en sais-je des attentats, je n'y étais pas, personne que je connais n'en est mort, c'est vraiment très triste, que puis-je vous dire de plus sur le sujet ! Et vous, à propos de Fukushima 福島, qu'avez-vous à me raconter ? Silence radio.
Passons à autres choses.

Les fêtes, c'est plus pour moi l'occasion de rencontrer des gens et d'exercer mon japonais. Mais il y'en a tellement que je commence à saturer. Je peine pour trouver des temps de tranquillité entre le travail, le bain, les gens qui viennent pour me voir et discuter, les activités qu'on m'assigne sans me consulter. C'est très intense, ça n'arrête jamais, et ça reflète totalement la vie japonaise. À fond, du matin au soir ! Mais ça non plus je ne m'en plains pas, je l'ai choisi et c'est une chouette expérience !

Fêtes.

vendredi 11 décembre 2015

Imabari kankou ni dai 今治観光二第

Je vous disais donc, nous enchaînons avec la visite d'une usine de production alimentaire gigantesque. D'autant plus intéressant que les prioritaires des lieux ont fait en sorte de rendre la visite agréable en donnant à l'endroit une beauté toute artificielle, qui à défaut de son authenticité, à le mérite d'être joli à regarder. Ainsi, un des bâtiments est une réplique du belvédère de Vienne.
On entre dans un immense immeuble de quelques étages dans lequel nous rencontrons notre guide, une jeune femme d'une trentaine d'année parlant d'une voie aussi douce que ses traits de visage, et avec cette extraordinaire politesse que seulement à la télé, j'avais entendu auparavant.

Elle nous amène dans un premier temps à traverser un jardin inspiré de Versailles, mais aux dimensions très réduite, un spécimen en quelque sorte, jusqu'à arriver dans un bâtiment dédié à la saucisse et au jambon, dont l'odeur qui s'en échappe aurait fait baver un végétarien. Au travers de coursives dont les murs sont des vitres montrant les pièces adjacentes, nous pouvons admirer le personnel à l'oeuvre dans les différentes étapes de préparation de la nourriture. On passe même devant un laboratoire, dans lequel des chimistes manipulent des tubes et autres fioles qui nous amusaient tant en cours de biologie.
À la fin de la promenade, nous avons le droit de goûter à un morceau de ce qu'on a vu se fabriquer dans les chaînes de production, de sorte qu'on pourrait avoir l'impression que tout s'est fait en autant de temps qu'il nous a été donné de faire la visite.

On repasse ensuite devant le "mini Versailles", direction un second immeuble où les ouvriers fabriquent plusieurs types de produits, allant de la sauce barbecue à la poudre pour faire des fritures. Les lieux sont décorés de manière très aristocratique : chandelier au plafond, chaise de type Louis XV, tapisseries et peintures baroques, armures de chevalier.
À noter que nous nous déchaussons en entrant dans chaque bâtiment et mettons de petits chaussons inconfortables à nos pieds. À tailles uniques, je dirai plutôt du 35 que du 46, ces pantoufles de plastiques sont trop étroites et je peine à marcher. Galère.

À l'étage, tout le monde de l'entreprise s'active tel des fourmis autour de machines automatisés, comme une lutte pour qui gardera le contrôle de la production. Une bataille perdue d'avance tant les machines semblent performantes et peuvent tenir un temps infini sans ne rien demander d'autre qu'un peu d'huile et d'électricité.
Nous terminons par l'immeuble principal par lequel nous étions arrivés et dans lequel nous attend évidemment une boutique où on peut acheter toutes les productions auxquelles nous venons d'assister, et même plus.
En partant, notre guide nous dit au revoir jusqu'au bout, c'est à dire jusqu'à ce qu'on se perde des yeux, une coutume très japonaise dont je vous parlais lors de mon départ d'Okinawa. C'est ce qu'on appelle "o mi okuri" お見送り, littéralement envoyer des yeux. Quelle belle expression pour une si touchante action.

Nous arrivons très vite au château d'Imabari, situé en bord de mer. Une construction récente sur une ruine ancienne, toute de béton, à l'intérieur de laquelle nous pouvons retrouver au travers de cinq étages, les différents restes de cette fabuleuse époque : armures de samouraï 侍, naginata 薙刀 (sorte de long katana), écritures et peintures anciennes, restes de tuiles.
Au 6ème et dernier étage, la vue s'ouvre sur toute la ville, le pont qui permet de relier l'île à celle d'Honshu 本州 et le port, qui auparavant était directement relié au château. Quelques photos plus tard et c'est le retour au bercail.
Une journée bien remplie, rythmée par cette cadence toute japonaise où tout est chronomètre et organisé à la minute près, ne laissant aucun vrai moment de répit. D'ailleurs, je me suis fais reprendre car j'ai osé traîner un peu plus longtemps au château, bien que restant dans les temps impartis par l'organisateur. Je n'ai pas suivi le troupeau, j'ai été le clou qui a dépassé, je me suis fait taper dessus. Figurativement parlant, bien entendu. Tout ne peut pas être tout le temps rose.

Le visite d'Imabari, 2ème partie.

Imabari kankou ichi dai 今治観光一第

Après avoir fait l'est avec Kobe 神戸, Osaka 大坂 et Kyoto 京都, me voici maintenant en direction de l'ouest, pour la ville d'Imabari 今治. Cette fois, ce n'est pas en voiture, mais en bus, et non pas à trois, mais seulement à deux, la maman et moi, que nous cheminons tranquillement vers notre but. Avec nous, d'autres personnes d'un certain âge avec lesquelles je n'ai pas plus envie que ça de faire connaissance, mais pour qui la bienséance veut que je fasse un minimum d'effort.

C'est la partie tatemae たてまえ du Japon. Rien de bien méchant, mais très déroutant pour nous autres étrangers. Un sentiment comparable à de l'hypocrisie, qui s'en rapproche, mais qui n'en est finalement pas. Je dirai plutôt, après l'avoir expérimenté, que cela s'approche plus de la finesse et du respect de l'autre. Mais là n'est pas le sujet, retournons si vous le voulez bien, à notre bus, qui nous emmène, comme je vous le disais, à Imabari 今治.

Nous faisons un premier arrêt sur une aire de repos, dans un marché dans lequel se vendent tout un tas d'aliments, allant des crabes et crevettes vivants aux mandarines et aubergines en sachet. Tout provenant bien sûr des producteurs du coin, donc plus frais que frais. D'ailleurs, sur chaque paquet figure le nom du maraîcher avec son adresse. Parfois même une petite photo et un texte explicatif sur la façon de produire. De sorte que Hatsuyo 初代, la maman qui m'accompagne,  se met à la recherche des fraises d'une amie à elle qui jardine dans le coin.

Après quoi, nous allons manger tous ensemble dans un restaurant où nous est servi un délicieux shabu shabu しゃぶしゃぶ. Devant nous, une grande casserole d'eau bouillante salée dans laquelle on fait cuire de fines tranches de viande de toutes sortes, ainsi que des légumes divers et variés. Quatre personnes partagent chacun la même casserole, mettant dans le bain ce qui lui plaît et le récupérant quand bon lui semble.
À la fin, on fait cuire dans le jus restant des fines nouilles, ramen ラーメン, un peu comme on ferait un risotto, pour profiter du jus délicieux dans laquelle la nourriture a mijoté. Nous terminons sur une bonne glace fait maison.

Ceci accompli, la visite est loin d'être finie. Nous allons dans un musée de la serviette, tout spécialement dédié à deux célèbres personnages de bande dessinée. Le premier, et moins connu de tous, ou du moins de moi-même, est Moumin, une sorte de nounours finlandais. Je ne m'y attarde pas plus. Le second est Snoopy, dont le film est actuellement à l'affiche dans tous les cinémas japonais. Le trailer passe en boucle dans une salle prévue à cet effet.
Ils vendent bien sûr des serviettes à son effigie ainsi que toute sortes de goodies. Un business bien rodé.

Nous enchaînons ...

Ah, mais il se fait tard. Pardonnez-moi de m'être étalé. Je continuerais demain si vous le voulez bien.

La visite d'Imabari, 1ère partie.

Ofuro no furo お風呂のフロ

Lorsque je me présente, j'évite de donner le nom de pafu-pafu パフパフ pour des raisons évidentes : c'est une pratique sexuelle un peu limite pour une première rencontre. À la place, j'utilise un subterfuge mnémotechnique qui fait que personne ne m'oubliera, ni même ne se trompera dans mon prénom. Je dis simplement que je m'appelle Flo フロ, comme le bain 風呂, qui ont comme par coïncidence la même prononciation. Hasard d'autant plus fortuit que le bain est, vous l'aurez compris vous anciens lecteurs, ce que j'aime le plus au Japon, précédent de peu la nourriture et les temples.

Ainsi, je fus ravi d'apprendre qu'à Mitoyo, pour rappel ma ville, la municipalité a créé des bains publics grâce aux deniers de ces habitants.
Ces bains, en plus d'être flambant neuf et immenses, accueille plusieurs salles de musculation et fitness, et une piscine olympique à l'eau de mer. Rien que ça.
Et ce n'est pas fini, l'abonnement mensuel, je vous le donne en mille, c'est 40€ par mois. À ce prix là, ce n'est même plus une bonne affaire, c'est un cadeau.
Pour finir ce tableau idyllique, le complexe se situe seulement à huit petits kilomètres de la maison, soit 25 minutes à vélo. Le temps idéal pour s'échauffer.

Le bain a proprement parlé contient toutes les installations possibles et imaginables. Des douches bien sûr pour se laver au préalable, un bain principal, un bain électrique à pulsations, un jacuzzi, un bain à jets massants, un bain d'eau froide, un sauna avec télé et un bain extérieur à deux bassins (voir photo), l'un d'eau de mer, l'autre d'eau parfumée (gelée royale, vin, etc).
Comment voulez-vous que je résiste à une telle profusion de tentations. Impossible.

Alors après le travail, c'est le moment que j'attends le plus. Et toujours dans ma chance extrême, le père de famille adore également les bains et veut toujours qu'on y aille ensemble. Chaque soir, deux heures de bonheur bien mérité. Alternant entre cette piscine qui ne brûle ni la peau, ni les yeux, la salle de sport où je peux montrer mes muscles aux filles faisant du cardio, et le bain qui permet de se détendre au delà de toute attente. Après quoi, une petite bière sans alcool pour trinquer autour d'un merveilleux repas préparé par la mère de famille, et vous comprendrez pourquoi je suis si bien ici.

L'avantage par rapport à mes précédents voyages, c'est que restant sur place pour un long moment, les gens que je rencontre se rappellent de moi, me voyant chaque jour me pointer avec cette joie du plaisir anticipé. Je fais des connaissances, je tisse des liens, je me fais un réseau. Le but de ce voyage un peu différent où l'aventure fait place aux relations.

Flo comme le bain.

mercredi 9 décembre 2015

Letasu レタス

Si Okinawa 沖縄 m'a tant séduit par sa mer bleu turquoise et son sale blanc, Kyoto 京都 par ses arbres aux feuilles rouges et jaunes, ce qui me plaît le plus à Mitoyo 三豊, c'est tout ce vert, du plus pâle pour les laitues au plus foncé pour les brocolis. C'est ainsi que chaque matin, une fois le meilleur petit déjeuner du monde avalé, je pars à vélo dans le champ à 300 mètres de la maison me mettre à l'ouvrage.

Les tâches à faire, bien que simples en apparence, demandent beaucoup de technique, car au Japon la perfection est le maître mot dès qu'il s'agit de travail. Ainsi, nous coupons d'abord les laitues qui sont mûres, en tâtant d'abord d'une main sans gant leur fermeté, puis de l'autre mettant un coup de lame bien placé à la racine, tel un samouraï 侍 coupant la tête de son ennemi avec son katana 刀.
On arrache ensuite une feuille qu'on met sur la terre, ainsi qu'on déroulerait le tapis rouge pour le plus honorable des empereurs. Sur ce matelas naturel, on y pose la salade à l'envers, c'est à dire, la tête en bas. Puis on recommence avec sa voisine et ainsi de suite jusqu'à faire une bande de 50 mètres environ.

La tonte de la verdure achevée, on ramasse tout en les rangeant très précautionneusement dans les cageots prévus à cet effet. Ces mêmes cageots, on les transporte jusqu'à la camionnette à l'aide d'un chariot élevé et dont les roues tombent exactement dans les rainures sillonnant chaque bande de laitues.
Une fois terminé, je vais déposer les anciens feuilles de laitues autour des pieds des vignes. Leur décomposition servira d'engrais naturel. Ce qui prend bien deux bonnes heures à deux.

Une fois le déjeuner englouti, on s'installe au soleil pour rendre belles les laitues, non en les maquillant comme on le ferait pour de jolies jeunes filles, mais en épluchant les feuilles les plus moches et en coupant la racine au plus près, c'est à dire sans que les feuilles ne puissent se détacher. Plus facile à dire qu'à faire.
Ceci fait, on les ensache une par une à l'aide d'une machine sophistiquée, puis on les trie suivant leur taille, en les rangeant dans leur carton spécifique.
Enfin, on les amène à une coopérative qui se charge de les compter puis d'aller les distribuer partout dans le pays.

Sur ce, je vais joindre l'action à la parole, et ramasser quelques...

Laitues.

lundi 7 décembre 2015

Kobe no ikea 神戸のいケア

S'il y a bien une chose à reconnaître à l'art japonais, c'est celui d'arriver à créer des recettes culinaires à partir de restes. Ainsi sont nés entre autre le "tamago kake gohan" 卵かけご飯 (oeuf cru, tamari et riz) et le "neko mama" ネコママ (soupe miso et riz). C'est ainsi qu'on prépare de bon matin des udon うどん, la spécialité locale, avec les restes d'hier, c'est à dire le nabe 鍋. "Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme" nous disait Lavoisier, ne pensant sûrement pas que sa célèbre formule pourrait être si bien adaptée à la cuisine japonaise.

Aujourd'hui, nous avons rendez-vous avec Narumi, la soeur jumelle de la belle Ayumi, la fille de la famille dans laquelle je vis. Bien qu'elle habite à Kyoto, nous nous retrouvons à Kobe, la tristement célèbre ville portuaire pour son tremblementde terre dévastateur des années 90. Pourquoi Kobe ? Pour son magasin Ikea !
Ici, la marque est en train de prendre de l'ampleur, telle la vague de l'occident qui submerge la culture de l'orient. Où sont passé les magasins Mujirushi 無印, leur homologue japonais ? Nul ne sait me répondre.

Sur place, on fait un déjeuner à l'européenne, avec de la purée et des boulettes de viande. Je me croirais revenu à la nourriture qu'on me servait à la cantine dans mon enfance. Une fois cet exotique repas englouti, c'est l'heure de pénétrer dans l'antre infernale : le magasin d'objet.
Narumi sait déjà ce qu'elle veut acheter comme canapé, ce qui lui prend 5 minutes tout au plus. Après quoi, nous prenons le chemin labyrinthique qui doit nous faire passer par tous les articles du magasin, ce qui prend d'interminables heures. Pour palier à l'ennui, je fais le zozo et trouve n'importe quel prétexte pour faire des clowneries, ce qui fait bien rire tout le monde.

À la caisse, on obtient un bon d'achat de 70 euros. Chouette. D'autant plus qu'à quelques mètres de la caisse, il y a une supérette Ikea, dans laquelle on peut acheter de la nourriture Ikea, symboles de la Suède, au noms imprononçables. Rappelez-vous le fameux "krissprols" !!
Nous faisons donc des emplettes jusqu'à remplir le caddie, comptant chaque article pour arriver au plus près du prix limite, allons à la caisse, passons tous les articles et au moment de payer avec le bon d'achat, énorme surprise : Narumi se rends compte que le bon n'est valable qu'à partir du lendemain de l'achat !
Nous voilà donc tout confus, devant le caissier médusé, en train de remettre toute la nourriture dans le caddie, puis chacun de son côté allant remettre chaque article à sa place. La scène est si drôle qu'une crise de fou rire me prend.

Enfin, pour nous remettre de nos emotions, nous rentrons à Kyoto et allons nous restaurer dans un luxueux restaurant où l'on commande plein de petits plats très chers bien que succulents, que nous partageons chaque fois en quatre. Le repas nous revient à presque 300 euros ! Rien à voir avec mes traditionnels déjeuners  quotidiens à 3 euros !
La nuit, nous la passerons dans le minuscule appartement de Narumi dans lequel nous nous installons en rang d'onion dans nos sacs de couchage respectifs.

Le Ikea de Kobe.

Oohira ke he youkoso 大平家へようこそ

Une nuit plus tard, je me lève à l'odeur de ce petit déjeuner qui donnerai faim à un anorexique. Sa vue est à la hauteur de ce doux parfum qui s'en dégage. Un mélange recherché de couleurs et de saveurs que le maître de maison concocte à la perfection. À ce point qu'il n'aurait pas à rougir d'un restaurant 4 étoiles. Je profite de chaque bouchée qui s'offre à moi.

Un peu plus tard, Mr Oohira vient me chercher afin de me ramener chez lui. Mais avant, il tient absolument à m'inviter à manger. Lorsqu'il me demande ce que je désirerais manger, je ne réfléchis pas très longtemps. La spécialité locale est les "udon" うどん, cette sorte d'épaisses nouilles qui se mangent en soupe. Ici, les restaurants qui en servent pullulent, et se battent pour avoir la meilleure qualité au plus bas prix. Et puis, si elles sont si populaires dans la préfecture de Kagawa 香川, c'est que ce sont les meilleures du Japon. Et en effet, je ne m'étais pas trompé, c'est un délice.

Après quoi, nous rentrons à Mitoyo, la ville dans laquelle je vais vivre pendant deux mois. Mr Oohira veut absolument me faire visiter sa mairie, c'est à dire son lieu de travail, car en plus d'être agriculteur, il est maire. Il me fait faire ainsi le tour de tous ses collègues avec cette fierté de pouvoir dire, j'accueille un étranger chez moi. Il me laisse à chaque fois me présenter, ce que j'exécute non sans une certaine timidité. Un bon exercice pour prendre confiance et par la même occasion perfectionner mon japonais.

Enfin, je finis par arriver à ma nouvelle maison. J'y retrouve Mme Oohira, ainsi que ma grand mère préférée, qui semblent m'avoir attendu avec grande impatience. Le plaisir de les revoir est aussi énorme que leur maison. J'y trouverai ma place, je l'espère.
Pour me souhaiter la bienvenue, le chat vient me sentir d'un air curieux et le chien en profite pour me goûter le mollet et le tendon d'Achille. Si je suis à son goût, il n'est pas au mien et je me retire vite de son territoire avant d'y laisser la jambe.

À peine débarqué, ma première mission m'attend : ramasser les salades. Une fois ramenées à la maison, on les effeuille, leur coupe la racine puis les met sous plastique. Tout un programme. Heureusement, ces tâches répétitives laissent libre le cerveau pour la discussion et l'amusement.
Manipuler toutes ces salades m'ouvre l'appétit et ma peine est largement récompensée par ce qui m'attend : un plat d'hiver, nommé "nabe" 鍋, mélange de légumes, tofu, viandes, rappelant un peu notre pot-au-feu national. Un régal.

Bienvenue dans la famille Oohira.

Nihon no kaeri 日本の帰り

Devant la porte de la maison, le coeur battant mais vaillant, j'appuie sur la sonnette. Malgré les voitures garées sous le porche de la maison, personne ne me répond. Bizarre. Avec leurs horaires inversés, ils sont peut être en train de dormir. J'utilise alors la clé qui m'a précédemment été confiée à cet effet. J'ouvre. Aucun bruit. À taton, je pénètre dans cette chère maison où tant d'agréables souvenirs m'ont été donnés de vivre.

Une fois devant la porte fermée du salon, je jette un oeil. La télé est allumée et Kazuya est en train tranquillement de la regarder. Je le dérange pour lui dire bonjour. Surpris dans un premier temps, la joie s'ensuit rapidement et vient éclairer son visage. Il me demande comment je vais, puis veut me dire mille choses à la fois. Ça me touche beaucoup. Puis comme s'il venait réellement de réaliser que j'étais là, il me prend dans ses bras et me sert fort, avec cette tendresse de parent qui ne peut se feindre.

Le grand désordre règne dans la maison et je sens la gêne de mon hôte. J'anticipe et le rassure, j'ai déjà vu pire. Il s'inquiète de savoir si je vais rester. Ce n'est pas mon intention. Quel plaisir retirerais-je d'une maison si vide, sans joie, sans vie, sans échange, chacun tellement débordé avec ses propres problèmes. J'y avais connu l'amour et l'espoir, aujourd'hui, il n'en reste plus que de tristes ruines. Des souvenirs qui s'envolent comme des feuilles mortes sous le vent.

Seul nous reste le plaisir de la discussion, qui m'est, je dois l'avouer, fort agréable. À ceci nous passons un long moment, et voyant qu'on n'arrivera pas à épuiser les sujets de conversation, Kazuya me conduit à la gare. Malheureusement, comme il se trompe de station, je serai obligé de faire plusieurs changements. Mais peu m'importe tellement ce paysage si familier qui se déroule sous mes yeux me mène inexorablement vers ce bonheur que ravive les endroits connus aux souvenirs heureux. Plus on se rapproche de l'île de Shikoku, plus j'ai l'impression de rentrer chez moi. Je sens l'excitation se soulever de tout mon ventre, jusqu'à mes lèvres. Je souris béatement.

Puis c'est l'arrivée. Un coup de fil à Shoji, mon papa de coeur. J'entends à sa voix sa surprise et sa joie à la fois. Il me dit d'aller l'attendre à la maison. J'y retrouve Hotaru, le chien, qui ne sait cacher son plaisir de me revoir. Enfin les retrouvailles. Moment à la fois merveilleux et intense.
Cela fait une bonne heure que la discussion bat son plein, lorsque les jeunes filles qui habitent la maison voisine viennent taper à la vitre. Elles ouvrent de grands yeux en me voyant. Que de surprises, décidément.

Ensemble, nous apprenons les lettres latines, on fait des fractions, on joue. Jusqu'à l'heure du repas, à laquelle Shoji nous a préparé un de ces délicieux repas dont lui seul à le secret. Le dîner terminé, les enfants rentrent chez eux et nous en profitons pour aller aux bains. Cet endroit si particulier, si spécial à mes yeux. Je savoure ce moment tant attendu comme si c'était le dernier.
En sortant, on se prend une bonne glace à la patate douce. Ma favorite. Ça y'est, je suis vraiment de ...

Retour au Japon.

Okayama jou 岡山城

Arrivée à Okayama en douceur. Le climat semble plus clément ici, même si le soleil joue à cache-cache avec les nuages et qu'une petite brise fébrile rappelle l'arrivée de l'hiver. Je suis venu une dizaine de fois dans cette ville que sans particulièrement apprécier, j'affectionne du fait qu'une personne importante à mes yeux y habite. Et pourtant, je n'ai jamais vu ni ce château, ni ce parc qui sont à cette cité ce que la tour Eiffel et le Louvre sont à Paris.

Il faut donc de ce pas que je répare l'affront tant qu'il en est encore temps. D'ailleurs, ça tombe bien, je suis à deux petits kilomètres seulement de mes cibles qui, comme pour me faciliter la tâche, ont eu la bonne idée de venir s'établir d'être l'une à côté de l'autre. L'immense parc à ce défaut de la plupart des monuments publics, c'est qu'il est payant. Et ce n'est pas tant le prix dérisoire qui me décourage, c'est l'envie qui n'est juste pas à la hauteur du prix. Je manque de temps et de compagnie pour que l'achat se justifie. Alors je me rabat sur le château, qui contrairement à son voisin, à le mérite d'être gratuit.

Je le regarde ainsi sous tous les angles. Et force m'est d'admirer ce bâtiment noir aux courbes affriolantes et aux dorures étincelantes qui semble m'attirer comme un aimant attire le fer qui l'approche de trop près. De ce que j'en lis, sa couleur noire si particulière, à l'opposé de la traditionnelle blancheur des châteaux japonais, lui vaut le surnom de "corbeau". Ce qui lui va à ravir car à ce moment même, des corbeaux vont et viennent sur les tuiles et se fondre dessus par la même occasion, tels d'habiles caméléons.

Tandis que les bordures des toits recourbés, tout vêtus d'une fine couche d'or contraste avec le reste et amplifie le ressenti du noir, tout en amenant une certaine clarté. Un jeu d'ombre et de lumière du plus bel effet.
La promenade bien que courte, me permet de photographier des yeux chaque côté du majestueux bâtiment. D'autant plus que dans ses jardins, l'automne affiche ses plus belles feuilles, dont les célèbres "momiji" font assurément partie des plus jolies, avec leur rouge écarlate reconnaissable entre mille.

À partir de ce charmant spectacle, il ne me reste plus qu'à retrouver le chemin de chez mon ami, ce qui, sans plan, s'avère risqué. Mais quelques détours plus tard, je finis par y arriver. Les retrouvailles ? La suite au prochain article...

Le château d'Okayama.

Sayonara Okinawa さよなら沖縄

Sans revenir sur mes problèmes avec Opodo, cet ami qui me loue son parapluie que lorsqu'il fait beau. J'ai dû me racheter un billet d'avion et de bus. Sans leur aide, je m'en suis mieux tiré et à moindre frais. Tout s'est bien passé cette fois. J'ai donc pris mon avion, en plein début de typhon, comme nous le disions dans le précédent article.

Pour arriver du terminal jusqu'à l'avion, ce fut déjà un combat contre les éléments. Des hôtesses nous distribuent à chacun des parapluies, condition sine qua none pour ne pas arriver dans un piteux état, sachant que le trajet à l'extérieur est d'une centaine de mètres à peine. Avant de partir, les deux courageux bonshommes qui guident l'avion nous font un coucou d'au revoir de la main. Autant par gentillesse, que pour nous souhaiter bon courage. Il va nous en falloir.

Car à peine le décollage effectué sur cette piste détrempée, la carlingue de l'appareil commence à secouer dans tous les sens. On se serait cru dans un manège à sensation. Entre les cris d'enfants paniqués, les visages des hôtesses ayant changé leur sourire pour une moue inquiète et les annonces du pilote priant de ne surtout pas détacher sa ceinture, il y a de quoi se faire du soucis.
D'autant plus que je suis côté hublot et que je peux voir tout ce qui se déroule dehors. La vue dépasse pas 10 mètres, on est dans une sorte de brouillard très épais. Si les pilotes devaient se diriger à l'oeil, je ne donnerais pas cher de notre paru. Sous mes yeux, seules les ailes, semblables à celles des oiseaux, gigotent dans tous les sens en tentant de nous maintenir en l'air.

À tel point que je me demande jusqu'où peuvent-elle se plier avant de rompre. Pensée un peu funeste, je vous l'accorde, mais en communion avec toutes celles des autres passagers, cramponnés à leur siège de peur que si ce dernier rempart se met aussi à bouger, ce sera vraiment la fin. Ainsi nous passons la première heure de ce qui sembla une éternité, avant qu'enfin, le ciel se dégage et laisse place au bleu immaculé et au cercle doré du paradis. On est au dessus de la mer de nuages, qui s'étendant jusqu'à l'infini, semble être une nouvelle terre. Au même moment, le signal permettant d'enlever sa ceinture se fait entendre. Soulagement unanime, nous sommes sauvés.

La fin du voyage se passe comme si de rien n'était. Calme et sereine. Atterrissage à Narita, dans le froid et le vent. Je suis passé de 25 à 10 degrés en l'espace de 2 heures. Drôle de sensation. Le nez s'en plaint en coulant, sa seule façon d'exprimer son mécontentement, le bout des doigts perd tout son sang et passe du rose au violet, tandis que le reste du corps de raidit et tremble de cet agitement qu'aurait pu lui avoir inspiré l'avion au sommet des turbulences.
Je prends vite le bus jusqu'à Tokyo, puis le métro jusqu'à Disneyland.

Un monde de rêve s'ouvre sous mes yeux. Tout clignote, tout brille, tout résonne. Des chansons de Noël, des gens souriants et heureux, des images pleins les yeux. Ce lieu magique respire la féerie de Noël et j'en viens presque à oublier un instant le froid qui circule dans mon corps, tant la chaleur du lieu semble réchauffer mon coeur. À n'en pas douter, tel un enfant, j'ai envie d'aller d'où tous les autres sortent avec cette joie si pure, si vraie, qu'elle eût pu faire croire que le monde merveilleux,  à cet instant déterminé, en cet endroit précis, n'avait plus aucun problème.

Seulement, je quittais prestement l'appel de ses sirènes pour retourner dans le froid de l'attente de mon bus. Cette nuit, il doit m'emmener de Tokyo à Okayama, pour un prix défiant toute concurrence et me faisant passer une nuit qu'autrement l'extérieur m'aurait rendu plus que difficile. Demain matin, je serai presque arrivé à la maison.

Au revoir Okinawa.

Flo @ pafu-pafu.fr

mardi 1 décembre 2015

Okinawa mou ippaku 沖縄もう一泊

À force de jouer avec le feu, on finit par se brûler.

Ceux qui me suivent depuis un moment le savent sûrement, les autres l'ignorent sans doute, en ce qui concernent les situations in-extrémis, je suis devenu un habitué, voir presque un expert. Marcher sur le fil du rasoir, contrôler le stress, ne pas savoir si j'aurais mon avion et pourrais finalement partir, ça me connaît.

Tout à commencé la première année avec le vol retour de Fukuoka, le typhon et la voiture miracle qui m'a fait parcourir plus de 500km en une journée, sans quoi impossible de rejoindre la ville à temps. Puis le premier passeport perdu, à quelques jours du départ et sa réfection en moins de temps qu'il ne faut pour le dire que pour le faire. S'est succédé le rapatriement depuis Sapporo dans un avion dont la place m'a gracieusement été offerte par un moine adorable. Pour finir par le renouvellement du passeport qui a pris plus de temps que prévu et le vol, surbooké, qui a été avancé d'un jour sans être déclaré à la compagnie.
Enfin, quand je dis "pour finir", j'aurais plutôt dû vous dire "pour continuer", car ce genre de malédiction, loin de s'arrêter, perdure avec le temps et n'a fi de l'âge ou du caractère prudent que son doux bénéficiaire pourrait acquérir.

Ainsi, j'arrive après plus de 2 heures de marche, sereinement, c'est à dire en avance, à l'aéroport malgré une petite pointe d'appréhension : un pressentiment dans doute. Premier imprévu, impossible de trouver mon vol. Heureusement que l'aéroport n'est pas grand, je visite d'autant plus vite les 3 étages qui le composent. En haut, une hôtesse très polie me dit de changer de terminal en prenant un bus. Je parcours donc le chemin en sens inverse jusqu'à l'arrêt de bus. Il arrive, je monte, il me dépose quelques kilomètres plus loin : je suis toujours dans les temps. Premier contretemps.

Je fais la lente et longue queue pour faire passer mes bagages dans un détecteur à rayons X. Question de sécurité. Quand j'en vois enfin le bout, la dame qui fait passer les sacs et valises sur le tapis me demande mon ticket. Je n'en ai pas. Elle me montre du doigt une machine et me fait signe de dégager. Je remonte la file en sens inverse, me précipite à la machine. Celle-ci me demande un QR code ou un code à 6 chiffres. Je n'ai ni l'un ni l'autre. Opodo, mon agence de voyage ne m'a rien fourni d'autre. Deuxième contretemps.

Un tantinet agité, je refais la queue pour passer mon bagage. Celle-ci a largement diminué heureusement. La dame me voyant pas à l'aise avec la situation et n'ayant pas envie de discuter plus longuement me laisser finalement passer. J'arrive jusqu'aux hôtesses qui enregistrent les bagages. Je leur explique la situation, elles recherchent dans leur fichiers. La première hôtesse appelle une seconde à la rescousse. Pendant ce temps, le temps défile. Elle essaie en vain pendant un moment pour finalement me dire : je ne vous trouve pas dans les réservations. Encore ! Tant pis, j'offre d'acheter un nouveau billet quite à régler le problème plus tard, car à midi ici, il est 4h du matin en France. Et à cette heure là, je vous le donne en mille, Opodo, ils font dodo ! Troisième contretemps.

L'hôtesse me trouve donc une place sur le vol et me donne le prix : 13370¥, presque 100 euros. La question n'est pas de savoir si je peux payer par carte car ce type de paiement, tellement simple et efficace, est encore peu développé ici, mais plutôt si j'ai assez de monnaie sur moi pour régler. Dans ma chance, j'avais trouvé un billet de 10000¥ avant de partir, voilà qui va probablement pouvoir me sauver. Avec j'ai un autre billet de 1000¥. Me manque plus que 2000¥ et des broutilles. Bien sûr, dans ce hangar désaffecté, loin du terminal principal, ni distributeur ni bureau de change. Alors je compte sur la sympathie des gens pour m'échanger des euros contre des yens. Personne ne veut, à ma grande surprise, me donner un coup de pouce. Je reviens donc au guichet, désespéré. L'hôtesse m'annonce qu'elle ferme, signe que c'est fini. Dernier contretemps.

Et là, miracle ! Vous n'y croyiez plus ? Et bien moi non plus !
Une charmante dame me propose gentiment de m'aider à acheter le billet. Je suis sauvé.
Ou presque.
L'hôtesse indique à sa montre que c'est l'heure et qu'elle vient juste de fermer. En France, les hôtesses avaient été patientes jusqu'au dernier moment, quitte à dépasser. Mais au Japon, l'heure, c'est l'heure. À la minute près.
S'en suit alors une argumentation intense entre les deux femmes. Celle qui n'avait pas daigné m'aider quelques minutes auparavant, se faisait maintenant une cause de mon cas, qu'elle se mit à défendre bec et ongle. Mais le conflit tourna court et l'hôtesse conserva jusqu'au bout sa détermination.
Les deux s'excusent auprès de moi, l'une pour son manque de vitesse de réaction, l'autre pour sa ponctualité exacerbée. Voilà comment j'ai raté mon avion et sa correspondance.

Pour les plus curieux qui voudraient savoir le fin mot de l'histoire, je vais vous le donner. Opodo n'a pas réussi à valider la confirmation et a donc annuler le billet sans oser me prévenir. Ils vont donc opérer un remboursement moins 32 euros de frais de dossier. C'est la taxe, non négociable, pour avoir échoué dans leur boulot : m'acheter un billet d'avion. Quant à ma correspondance, la compagnie me propose de me rembourser la moitié du billet, comme convenu dans leur politique tarifaire. Enfin, j'ai prévenu la famille que j'aurai un jour de retard et je vais donc passer une autre nuit à Okinawa. Non pas au château que j'affectionne, il est à 17km de l'aéroport. Mais en pleine ville. Pour la deuxième nuit. Et pour agrémenter le tout, il y'a un début de typhon. Je vais tenter de garder le sourire.

PS : cela fait quelques voyages que je fais avec Opodo. Quand tout va bien, j'ai eu des billets pas chers et très simples à réserver. Quand tout va mal, j'ai dû appeler des numéros, non surtaxés heureusement, mais qui mettent en attente, raccrochent au nez, transfèrent l'appel, alors même que ce sont des situations d'urgence. Les frais de dossiers restent importants pour quelque chose qu'on peut facilement faire soi-même, et un service après vente qui n'est à mon avis pas à la hauteur. Quand j'étais en Inde, une amie m'a donné un excellent conseil, que je vous transmets à mon tour : utilisez Opodo pour la recherche puis effectuez vous même l'achat. En cas de problème, vous pourrez le régler sans soucis directement au comptoir du tour opérateur. Passez-vous donc de cet intermédiaire coûteux et à l'efficacité douteuse !

Une nuit de plus à Okinawa.

Mensoure Okinawa めんそーれ沖縄

Okinawa, comme j'ai essayé de le décrire avec le plus de fidélité possible, ce n'est pas seulement qu'une plage de sable blanc, des coraux aux bruits cristallins et une eau bleue turquoise le jour, transparente la nuit.
Alors pour vous dépeindre un peu mieux le paysage et ce que j'y ai vraiment découvert, je vous prie de rester avec moi pour ce qui va suivre.

On y cultive principalement la canne à sucre, mais aussi plein d'autres fruits exotiques : mangue, goyave, noix de coco. La spécialité, ce sont les soba, des nouilles à base de sarrasin. Et je confirme, ce sont les meilleurs que j'ai jamais mangé. La nature est omniprésente, de part des arbres magnifiques, des serpents dangereux, et des moustiques collants. À ce point que je dirait que les couleurs de l'île sont le vert et le bleu. Du haut d'une colline, on peut voir très loin car il n'y a presque pas de montagnes.
Les maisons ont toutes sur leur toit des cuves pour stocker l'eau. Et il y'a une sorte de métro monorail qui circule au dessus de la route, allant de l'aéroport au château. C'est le seul transport ferroviaire de l'île.

Concernant la population, les gens sont particulièrement gentils et souriants, sans atteindre le top qui reste à mes yeux Shikoku. Certains locaux sont vraiment très bronzés, un peu comme des thaïlandais.
Ils sont très influencés par la culture américaine, même si le nombre d'étrangers vivant sur l'île recule. Ainsi, il y'a souvent des tags et autres graffitis sur les murs, des terrains de basket partout et des gens qui crachent par terre, choses jamais vues autre part au Japon. Ils sont aussi très sportifs : les plus vieux marchent, les moins vieux courent ou font du vélo, les plus jeunes jouent au basket ou au tennis. D'où probablement le secret de leur longévité.

À Okinawa, j'ai entendu un dialecte complètement différent du japonais. Même pas un patois, une autre langue complètement. Heureusement, le japonais domine. Pendant onze jours, une douce chaleur malgré quelques nuages et petites pluies, ce qui me fait dire que l'hiver est très agréable ici. Et l'été, pas pire que chez nous, à ce que les locaux m'ont dit. De plus, comme il y'a peu de villes, cela reste une île principalement campagnarde et donc avec aucun crime.
Il y fait donc bon vivre.

Bienvenue à Okinawa.

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