vendredi 27 novembre 2015

Kyan misaki 喜屋武岬

Cependant, dès le matin même, le vent exagéré n'arrive pas à chasser les nuages excessifs qui se sont affreusement emparés du ciel. Le soleil doit briller, certes, mais gêné qu'il est par cette informe masse grisonnante, son message chaleureux ne parvient pas jusqu'ici bas. Même les habitants d'Okinawa ont semblé le remarquer, car dehors, excepté par obligation, il n'y a pas âme qui vive. Les plages et les parcs sont déserts, les gens se cachent du méchant climat qui annonce décidément l'hiver plus tôt que prévu.

Je suis donc bien esseulé sur cette longue route qui m'amène de mon royaume, situé dans la pointe sud de l'île, jusqu'à la plage un peu plus au nord ouest. De là, je mange un succinct déjeuner, quoique rendu particulièrement désagréable par les rafales glacées. Le mistral d'Okinawa n'a décidément rien à se reprocher face à son pendant occidental. J'en profite donc pour mettre les voiles et m'en retourner à ma demeure, lorsque pris d'une folie insensée, je me décide à faire un détour. Le cap Kyan m'a depuis trop longtemps fait de l'oeil pour que je me permette de l'ignorer un instant de plus.

En effet, impossible de résister au même appel que m'avait fait le cap Soya, sur l'île d'Hokkaido, c'est à dire de pouvoir admirer l'océan du point le plus extrême du Japon. Ayant donc fait le nord quelques mois plus tôt, il me faut sans plus tarder m'employer à découvrir le sud. Je ne l'ai déjà que trop fait attendre.  Une route pittoresque m'amène d'abord jusqu'aux ruines d'un château au bord de la falaise. En en faisant le tour, je me mets à redouter que le mien aussi subira pareil sort, une fois que mon règne sur Okinawa sera terminé. À ces pensées lugubres, je le quitte donc prestement, et prend le chemin de Saint Jacques menant le plus directement au phare, emblème symbolique du cap.

Une fois sur place, je reste un bon moment ému par tant de prestance de la part d'un océan qui se dit infini, juste parce que mon regard n'est pas assez puissant pour voir plus loin que l'horizon ne me le permet. Doux paysage, charmant plaisir. À n'en pas se lasser. Si ce n'est par le froid qui avec la tombée du jour redouble. J'emprunte donc de nouveau les chemins de terre caillouteux qui me ramènent plus vite chez moi que la route en goudron ne l'aurait pu faire.
Enfin au chaud et après tant de distance parcourue, le sommeil de plomb m'attend de pied ferme.

Cap Kyan.

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